Kickers stock : trace d’une industrie
5-7, rue du Mail 91 600 Savigny-sur-Orge
Histoire du commerce
1903 : création d’une petite affaire de chaussure dans le 13ème arrondissement de Paris par la famille Raufast
1940 : installation rue du Mail à Savigny-sur-Orge de l’entreprise de fabrication de chaussure Doissouple par la famille Raufast
1941 : à 19 ans, le petit-fils des fondateurs, Daniel Raufast, commence à travailler dans l’usine de Savigny
1969 : menace de faillite pour l’entreprise mais Daniel Raufast invente la chaussure Kickers
15 avril 1970 : dépôt de la marque Kickers
1980 : ouverture d’une boutique sur les Champs-Elysées pour les 10 ans de la marque
1982 : dépôt de bilan et rachat de la marque
La présence d’une boutique Kickers à Savigny s’explique par l’implantation initiale d’une usine de la marque. La boutique servait à la fois à stocker la production et de magasin d’usine. Aujourd’hui, il ne s’agit que d’un point de vente, qui passerait presque inaperçu dans la rue du Mail.
L’entreprise de fabrication de chaussure de la famille Raufast s’installe en 1940 à Savigny-sur-Orge, après avoir été délogée successivement de ses locaux réquisitionnés à Paris et dans le Calvados. Lorsqu’elle arrive à Savigny, l’entreprise, qui produit la marque alors nommée Doissouple, possède un chiffre d’affaire en baisse. A cause des restrictions de matières premières durant la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise fabrique avec ce qu’il reste à disposition. Après la guerre, Daniel Raufast souhaite donner une dimension nationale à l’entreprise, ce qui crée des tensions avec son père. Dix ans après, des tensions apparaissent à nouveau lorsqu’il faut prendre la décision de conserver tous les modèles ou de ne produire que ceux qui séduisent le plus la clientèle, ce à quoi le père de Daniel Raufast est opposé. L’entreprise est spécialisée dans la chaussure pour enfant et junior à semelles de crêpe, solide, souple et qui possède une forme qui soutient la voûte plantaire. Jusqu’en 1967, les affaires fonctionnent plus ou moins bien en raison de la forte concurrence italienne, avec qui Daniel Raufast s’associera finalement.
En 1969, la situation de l’entreprise pousse Daniel Raufast à envisager la fermeture. Il songe alors à produire une chaussure mieux adaptée à l’évolution des modes vestimentaires. C’est l’époque du jean, l’idée d’une chaussure qui aille avec ce style de vêtement, confortable et décontractée apparaît. Daniel Raufast s’associe donc à M. Chevallerau, styliste de Blois, pour reprendre le modèle de la chaussure « Patrice », créée 18 ans plus tôt. Après plusieurs essais, reprenant le design du jean (contrefort à l’extérieur pour plus de confort), ils obtiennent un nouveau modèle de chaussure qu’ils nomment Kickers (de to kick, donner un coup de pied en anglais, auquel on ajoute le suffixe -ers : ceux qui donnent des coups de pieds). Ils déposent la marque le 15 avril 1970. Ils en définissent quelques principes : avoir un nom dynamique et à consonance américaine, marquer la chaussure à l’extérieur pour lutter contre les contrefaçons, mettre une pastille rouge à gauche et verte à droite pour différencier le pied droit du pied gauche…
Avec cette nouvelle marque, le chiffre d’affaire de l’entreprise explose entre 1970 et 1980. Kickers exporte 40% de sa production dans plus de 70 pays et emploie plus de 1 000 personnes autour de Blois, Cannes et Savigny-sur-Orge. En 1978, l’entreprise vend 1,2 millions de paires de chaussures en France et 3 millions en Europe. Les locaux de Savigny sont devenus un petit atelier-laboratoire où sont élaborés les nouveaux modèles. Pour ses dix ans, la marque ouvre une boutique sur l’avenue des Champs-Élysées à Paris. Mais Daniel Raufast, qui cumule différentes fonctions officielles, n’a plus assez de temps à consacrer à l’entreprise. Il tente une diversification de la production dans le prêt-à-porter qui est un échec et l’engouement pour les produits de la marque régresse. Il est obligé de déposer le bilan le 10 avril 1982. Kickers est alors repris par le groupe Zannier et va connaître dans les années 1990 un nouvel essor. En 2007, le groupe Zannier se sépare de Kickers qui est alors racheté par le groupe Raoyer.
De la petite usine de Savigny-sur-Orge est née une marque connue mondialement, et qui se définit elle-même sur son site internet comme trans générationnelle.
Urbanisme et architecture
La présence de ce magasin de déstockage à Savigny-sur-Orge ne s’explique que par l’histoire industrielle de la région. L’implantation d’une telle usine serait aujourd’hui difficilement envisageable compte tenu des nuisances (auditives, olfactives…) qu’un tel établissent produit.
Le bâtiment du magasin Kickers se distingue des bâtiments voisins par des éléments d’architecture industrielle :
- à l’étage une large fenêtre permettait d’apporter de la lumière à l’intérieur des ateliers. Plus la fenêtre est haute, plus elle éclaire un espace profond à l’intérieur. On peut donc supposer qu’il s’agit d’une pièce qui fait toute la longueur du bâtiment. Elle ne possède pas le même type de menuiserie que les fenêtres de logement. Il s’agit probablement d’ouverture en soufflet permettant l’aération des ateliers ;
- la hauteur sous plafond permettait d’utiliser des machines de grandes dimensions et de disposer d’un volume d’air nécessaire pour diluer les odeurs produites par la fabrication des chaussures ;
- le bâtiment est composé de béton brut et de briques apparentes ;
- la forme allongée du bâtiment permettait l’installation des machines côte à côte afin de travailler à la chaîne. On peut également remarquer la présence de dispositifs d’aération tout le long du bâtiment en toiture.
Anecdote
C’est en regardant une affiche de la comédie musicale à succès de l’époque « Hair », où les acteurs étaient pieds nus, que Daniel Raufast a eu l’idée de concevoir une chaussure allant avec le jean.
Vers un autre commerce de la carte
N° 6 : Bazarama (ancien cinéma de l’Eden), Juvisy-sur-Orge
Carte et liste des commerces de l’exposition hors-les-murs
Présentation de l’exposition hors-les-murs et liens vers les autres commerces
Crédits iconographiques : (1) Maison de Banlieue et de l’Architecture, Manon Bélec, photographe ; (2) Archives communales de Savigny-sur-Orge
Que de souvenirs ! J’y emmenais mes trois filles et on passait des heures à fouiller et à essayer des modèles !