Où a été prise cette photographie ?
Cette photographie de la Villa Jeanne à Athis-Mons a été prise depuis le chemin de fer durant les inondations de 1910. A Juvisy-sur-Orge, la vallée, comprise entre le chemin de fer et le coteau, a été submergée durant neuf jours, l’eau atteignant 2.86m en amont du pont de Juvisy, et 2.68m en aval. Les deux-tiers des maisons de la commune, soit 410, ont été inondées. A Athis-Mons, la zone atteinte s’est également concentrée dans la vallée, entre la Seine et l’Orge, avec une hauteur maximale de 2.50m atteinte à proximité de la gare. Il y eut de nombreuses propositions pour protéger la ville dont la construction d’une digue de 4km de long, d’une hauteur variant de 1.25m à 3m au-dessus du chemin de halage. Elle fut finalement rejetée parce qu’elle rendait le chemin de halage inutilisable. Celui-ci sera néanmoins relevé dans ses parties les plus basses.
La submersion des rues est ce qu’il y a de plus représenté dans les cartes postales, qui furent très nombreuses, mais la coupure des communications ou l’inondation des usines des bords de Seine a également été très dommageable. L’inondation de l’usine de gaz de Juvisy-sur-Orge a provoqué l’interruption de l’éclairage de ville durant dix jours. Celle de l’usine de la Compagnie générale des eaux à Choisy-le-Roi, qui alimentait toutes les communes environnantes, a contraint les habitants à ne recourir, entre le 26 janvier et le 6 février, qu’à l’utilisation des puits et des sources, dont celle des Belles-Fontaines pour les juvisiens.
Reconnaissez-vous cette rue ?
Cette photo de la Grande rue de Juvisy-sur-Orge a été prise depuis le pont du chemin de fer Paris-Orléans, lors de la crue de 1910. On y voit des sinistrés traversant la rue pour aller chercher du pain. Ces passerelles de bois ont été utilisées pour se déplacer durant toute la durée de la crue.
La crue de 1910 est la plus célèbre mais pas la plus haute que la Seine ait connue en Ile-de-France. Elle a atteint son point maximal le 28 janvier, 8.42m au pont de la Tournelle, alors que celle de 1658 a atteint 8.81m au même lieu. Les conséquences ont néanmoins été plus importantes en 1910, en particulier en amont de Paris, du fait de l’urbanisation de la région, de la réduction de la largeur du lit du fleuve, de la disparition de champs de submersion au profit de constructions et de la présence de ballastières, ou carrières de sable, qui ont facilité l’infiltration du sous-sol.
Au fur et à mesure de l’urbanisation les zones humides en bord de Seine ont été asséchées ou séparées du fleuve. Or leur rôle est primordial pour stocker les surplus d’eau des crues hivernales, pour les épurer grâce au filtre de la végétation et les libérer ensuite progressivement au cours du printemps et de l’été, lissant ainsi les effets de la montée des eaux. Les canaux de dérivation et les bassins qui ont été construits dans la Marne et dans l’Aube pour jouer ce rôle de stockage ne compensent pas toujours la perte des zones humides. Par ailleurs, les crues sont à la fois dévastatrices et bienfaitrices. Elles jouent en effet un rôle favorable pour le développement de la faune et de la flore. Avec la montée des eaux, le fleuve dépose des limons riches en nutriments et, en se retirant, disperse des graines et des boutures. Il fait aussi le lien entre différents milieux humides, garantissant la circulation des espèces.
Les informations ci-dessus proviennent du rapport Picard rédigé par la commission des inondations en juin 1910 et publié par la Direction régionale et interdépartementale de l’énergie et de l’équipement d’Ile-de-France (DRIEE) en 2010. Merci à Cloé Fraigneau pour son article dans le cahier Banlieue sur Seine. Histoire et devenir des usages et paysages du fleuve.