Faire ses courses est une activité dont la banalité est trompeuse. Indispensables, car dans nos sociétés il faut s’approvisionner pour se nourrir, généralement étudiées sous le seul angle de la consommation, les courses alimentaires en disent long sur nos modes de vie, nos hiérarchies sociales, nos relations familiales et conjugales ou encore nos conceptions morales du bon, du sain, du raisonnable.
Entre loisirs et corvées, espace public marchand et sphère domestique privée, elles imposent leur régularité, leur rythmes, celui des saisons comme celui des promotions, et leurs itinéraires balisés. Des linéaires de grande surface au marché dominical en passant par le dépannage de la supérette, Martyne Perrot analyse finement les manières de faire, la distribution des rôles entre hommes et femmes, le comportement avec les enfants, les registres dictés par les habitudes culturelles ou les nécessités économiques.
Mêlant avec talent des témoignages vivants et une ample documentation, elle montre à quel point, malgré la massification des consommations, nos achats nous révèlent et nous distinguent. Et l’on découvre combien le fameux « panier de la ménagère », régulièrement soupesé par les économistes experts, contient aussi son poids d’amour, de souci, de menus plaisirs ou de frustrations.
Martyne Perrot, Faire ses courses, Paris, Stock, coll. « Un ordre d’idées », 2009